La crise n'est pas une bonne nouvelle ...
Contrairement à ce que certains veulent nous faire dire, la crise ne nous réjouit absolument pas. Ce n'est en rien une revanche de la décroissance. En cela, je m'éloigne de la pensée de Serge Latouche qui défend la pédagogie des catastrophes. Les crises accouchent plus souvent d'Hitler ou de Staline que de Gandhi. Les crises nous font oublier ce que nous savons, elles poussent nombre d'hommes dans la misère matérielle et psychologique. Hannah Arendt disait qu'il n'y a rien de pire qu'une société fondée sur le travail, sans travail. Je crois que l'on peut ajouter qu'il n'y a rien de pire qu'une société fondée sur la croissance, sans croissance. Il faut organiser cet inévitable ralentissement de la croissance, l'intégrer pleinement dans nos objectifs économiques, dans les politiques sociales, culturelles et dans nos raisonnements personnels. La crise est donc porteuse du pire comme du meilleur.
... mais elle est une occasion de se poser les bonnes questions
La crise est l'occasion de démentir tous ceux qui rêvent d'une société d'abondance matérielle. C'est aussi l'occasion pour les forces alternatives (la gauche en France et en Europe) de sortir de l'impasse. La gauche est en effet dans une impasse politique car elle campe encore dans l'idée qu'il faudrait faire encore grossir le gateau (PIB) pour pouvoir enfin le partager plus équitablement. Nous pensons au contraire, qu'il est plus que temps de cesser de concentrer toute notre énergie sur cette fausse richesse qu'est le PIB, et tout en développant de nouveaux indicateurs et de nouveaux objectifs de mesure de la valeur, penser dès maintenant à la manière de mieux partager les richesses de ce monde.
La première des décroissances est celle des inégalités
On peut comprendre que par son travail, par ses idées, par sa prise de risque un dirigeant d'une grande entreprise soit rémunéré justement. La juste récompense des efforts est une valeur essentielle inhérente à tout système, inhérente à la pensée humaine. Elle contribue à stimuler la recherche du mieux, elle conduit l'homme à entreprendre, à inventer, à découvrir, à comprendre. Néanmoins, comment justifier qu'en moins de 50 ans nous soyons passés d'un facteur de 1 à 20 à un facteur de 1 à 200 (jusqu'à 500) entre la rémunération d'un employé et de celle de son dirigeant. Qui peut justifier que le valeur du travail d'un homme soit supérieur à celle de 500 autres ?
Répondre sur tous les fronts et à tous les niveaux
La réalité de notre environnement nous pousse à évoluer. La crise actuelle est une crise systémique. Il n'est donc pas possible de trouver une issue en réglant simplement quelques dysfonctionnements. Le défi qui est le notre est de répondre sur tous les fronts et à tous les niveaux : sur les fronts financier, économique, social, institutionnel, politique et symbolique; à tous les niveaux : personnel, local, communautaire, national, international. N'ayons pas peur chaque fois que nous le pouvons de nous interroger et de nous questionner sur le bien fondé de telle ou telle décision que nous prenons.
Décoloniser notre imaginaire
Pour s'interroger sur la société, il faut être capable d'en comprendre les absurdités. Einstein disait que lorsque l'on à la tête sous forme de marteau on voit tous les problèmes sous forme de clous. Il faut donc changer notre façon de penser, décoloniser notre imaginaire de consommateur et s'ouvrir sur toutes les immenses possibilités que nous propose la vie humaine. Le "toujours plus" n'est pas la solution que ce soit dans le cadre du socialisme ou dans le cadre du communisme. Le "toujours plus" nous appauvrit et appauvrit notre environnement. Le "toujours moins" n'est pas non plus une option envisageable tout simplement parce que personne n'entreprend pour régresser, nous cherchons tous à nous développer; il va falloir apprendre à se développer différemment ...
La gratuité comme publicité de la décroissance
La principale difficulté du mouvement de la décroissance est de se présenter sous un angle attractif, de nous faire connaître sans pour autant se réjouir à mots couverts des dernière catastrophes climatiques et laisser entendre que la crie économique qui frappe la planète est plutôt une bonne nouvelle. Il nous faut nous plier à une forme de marketing intelligent, pour nous rendre désirable.
Il me semble (pour reprendre les thèses développés par Paul Ariès) que l'idée d'une gratuité du bon usage face au renchérissement, ou à l'interdiction du mésusage, peut constituer à la fois le socle d'une approche vers le grand public et le socle d'une pensée politique. Non seulement parce qu'elle permet de répondre aux enjeux antiproductivistes, mais aussi parce qu'elle à même de susciter le désir, nous portons tous la gratuité chevillé au corps. Par exemple, l'eau potable va devenir de plus en plus rare au XXIe siècle, raison de plus pour en rendre son usage normal gratuit et pour en interdire son mésusage (et pas seulement pour les golfs...).
La gratuité devient une question de plus en plus vitale pour bon nombre d'entreprises capitalistes, notamment pour les majors de la musique et du film. Cette question de la gratuité de la culture, du savoir et de la connaissance sera sans doute un paramètre essentiel de l'économie du XXIe siècle. Soyons, sur ce sujet, une force de proposition cohérente et désirable.
FA
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